Israël-Palestine : relancer le processus de paix « par le bas »

Par Emilien Léontrand –  11 juin 2012

Dans cet article, on évoque d’abord pourquoi il convient de relancer le processus de paix au Proche-Orient « par le bas » (et non par les canaux diplomatiques) avant de lancer un appel aux idées innovantes pour impulser ce nouvel élan. Depuis la fin des années 90, le processus de paix au Proche-Orient est agonisant. Les accords d’Oslo ont subi toute une série de critiques techniques : « les dossiers les plus importants auraient du être traités en premier et non remis à plus tard », « chaque partie aurait du appliquer les termes de l’accord indépendamment de la conduite de l’autre partie », « les Etats-Unis auraient du se montrer plus contraignants », « le principe ‘’land for peace’’ qui prévalait lors des accords de Camp David en 1978 a faussé Oslo en 1993 », etc.

On a aussi cru déceler la cause de l’échec dans des éléments conjoncturels ou périphériques : l’assassinat d’Yitzhak Rabin en 1995 ; l’élection de Benjamin Netanyahou, un Premier ministre de droite, en 1996 ; le massacre de Hébron en 1994 ; les attentats terroristes menés par le Hamas entre 1994 et 1996 ; la corruption au sein de l’Autorité Palestinienne.

Mais toutes ces observations passent à côté de l’essentiel : le conflit israélo-palestinien oppose deux entités imbriquées et de moins en moins homogènes. La guerre israélo-égyptienne se jouait entre l’Etat israélien et l’Etat égyptien, deux organisations structurées et distantes, qui contrôlaient leurs membres. Lorsque la paix fut signée, on a pu la faire respecter. Le conflit israélo-palestinien est tout autre : il oppose une Autorité Palestinienne faible, un Etat-avorton qui ne maîtrise pas la société palestinienne, qui ne possède pas le monopole de la violence, et une société israélienne de plus en plus divisée, économiquement, culturellement et politiquement.

Surtout, les deux parties sont imbriquées. Elles se chevauchent, se jumellent, se touchent. 500 000 colons israéliens vivent en Cisjordanie. 20% des citoyens israéliens sont arabes. Des milliers de travailleurs arabes rentrent et sortent d’Israël tous les jours. Des milliers de soldats israéliens occupent la Cisjordanie. L’Etat israélien, en contrôlant les frontières des territoires palestiniens, retient à volonté les biens et les capitaux qui souhaitent y pénétrer ou les quitter. Pour cette double raison – hétérogénéité et promiscuité –, il ne s’agit pas de signer une paix de salon, entre négociateurs polis, mais de réconcilier deux peuples. Car, in fine, ce sont deux peuples qui se font face, et non pas deux Etats. Nier cette différence fondamentale entre la paix israélo-égyptienne d’un côté, et le projet de paix israélo-palestinienne de l’autre, est une erreur grave, définitive.

Benjamin Netanyahou n’a pas mis fin au développement des colonies et Yasser Arafat n’a pas su brider le Hamas parce que les deux leaders ont été dépassés par une partie de leur propre camp. En effet, quand Benjamin Netanyahou a tenté de freiner la colonisation sauvage en Cisjordanie ou d’avancer dans les négociations avec l’Autorité Palestinienne, l’alliance avec le Shas a explosé et une partie des leaders du Likoud se sont désolidarisés pour créer Yisrael Beiteinu. Quant à Yasser Arafat, il ne parvint jamais à faire cesser les attaques de la brigade Izz al-Din al-Qassam, branche armée du Hamas, ni – à partir de 2000 – celles de la brigade des martyrs d’Al-Aqsa, mouvement pourtant issu du Fatah.

On peut légitimement considérer que la solution au conflit israélo-palestinien ne viendra pas de corrections techniques sur le texte des accords ou sur son implémentation, mais du rapprochement des opinions publiques israélienne et palestinienne. La question est donc : comment rapprocher ces opinions publiques, notamment les franges les plus antagonistes ?

A ce stade, je propose trois principes directeurs. D’abord, il faut connaître l’histoire et reconnaître la culture de son interlocuteur pour retenir son attention et parvenir à le convaincre. Il faut notamment garder à l’esprit le contexte géopolitique dans lequel est né le sionisme. Ce contexte – des siècles de persécutions dans le monde et particulièrement en Europe – explique et légitime dans une certaine mesure l’entreprise des Juifs qui cherchèrent à bâtir un Etat-refuge. De même, il ne faut pas oublier la « violence invisible » que subissent les Palestiniens. L’occupation ne génère qu’épisodiquement des éclats de violence mais elle sécrète en permanence une oppression sociale et psychologique.

Ensuite, il faut trouver des moyens de communication plaisants, innovants et viraux, pour surprendre et toucher le plus grand nombre. Il ne s’agit pas de raisonner un à un 20 millions d’individus mais de réunir un groupe de 2000 ambassadeurs capables de, chacun, convaincre 200 personnes qui, à leur tour, devront convaincre 50 personnes. Pour cela, les nouvelles technologies (réseaux sociaux, applications) peuvent apporter une aide précieuse. Les universités mixtes, l’apprentissage de « la langue de l’autre », les échanges scolaires, les évènements culturels communs sont des pistes à creuser.

Enfin, il faudrait éviter de faire appel à des financements ou soutiens étatiques. Des subventions américaines, européennes, juives ou arabes seraient un baiser mortel. Il ne faut pas que notre initiative puisse être soupçonnée de partialité.

Partagez vos idées d’outils de communication ! Infographies, BDs, clips, jeux vidéo, happenings, workshops, tout est bon à prendre. Comment parler à « l’autre », établir un dialogue constructif qui fait évoluer les mentalités sans les stigmatiser ni les braquer ? Comment enrôler pour la paix ?

Je présenterai un bréviaire des meilleures idées dans un prochain article sur Arabsthink.

Deadline pour envoyer vos idées et créations à emilien.leontrand@gmail.com : le 30 juin 2012. 

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1 Comment

Filed under Français, Palestine & Israel

One response to “Israël-Palestine : relancer le processus de paix « par le bas »

  1. S

    Hier a été diffusé sur arte le reportage de l’israélien Dror Moreh “Gatekeepers” présentant le témoignage de 6 ex-patrons du Shin Beth. Si je ne devais retenir qu’une chose de ce film, c’est l’amertume que ressentent ces hommes, qui, bien qu’obsédés par la sécurité d’Israël, prône un dialogue, des échanges, des rencontres avec les palestiniens, ce que n’aura jamais fait aucun premier ministre. L’Etat israélien perd de son sens, de son intégrité, de sa cohérence à agir ainsi: en se défendant, il se désintègre et détruit sa démocratie.
    Je rejoins donc Emilien Léontrand, il n’y a pas d’autres alternatives qu’à se parler, se connaître.

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