Par Antoine Alhéritière – 5 juin 2011
Alors que je dinais avec mon ami américain Sam Seifman, diplômé en Lettres à Temple University, j’ai abordé la question des primaires républicaines en vue de l’élection présidentielle de 2012. Le jeune démocrate que j’avais en face de moi affirmait sans hésitation que le prochain candidat républicain courrait à l’abattoir, l’ « Obamania » allant certainement durer, selon lui, quatre ans de plus. Pourtant, ces dernières semaines, les candidatures fleurissent chez les Eléphants, avec déjà neuf déclarations et encore une douzaine de pressenties. En effet, les annonces viennent de plus en plus tôt dans le calendrier électoral, et dès à présent, les financements massifs entrent en jeu dans la perspective du choc des deux macro partis, une gigantomachie made in USA.
L’actuelle mandature aura vu se produire les « révolutions arabes ». Or ce n’est qu’à partir du « Term of Office » 2012-2016 que les véritables effets du mouvement d’émancipation mettront à l’épreuve le « flic planétaire ». La prochaine course à la Maison Blanche prend ainsi une importance inattendue, notamment en matière de politique étrangère américaine. Il convient donc d’évaluer, chez ceux qui souhaitent prendre la place de Barack Obama aux commandes des Etats-Unis, la vision alternative proposée pour le broader Middle East.
De manière générale, les figures proéminentes du « Grand Old Party » s’attaquent à la tiédeur de l’administration Obama, qui aurait manqué de fermeté et de cohérence dans les différents dossiers. Cette critique va de pair avec la moralisation et la polarisation des relations internationales mise en avant par bon nombre de candidats républicains. La chasse au relativisme est lancée, comme en témoignent les paroles de l’ancien gouverneur du Minnesota Tim Pawlenty face à Bill O’Reilly sur Fox News : « Obama ne conçoit pas le rôle de l’Amérique dans le monde comme exceptionnelle » lance-t-il, pour ensuite condamner « l’équivalence morale, qui consiste à dire que leur [les adversaires de l’Amérique, ndlr] système de valeurs est aussi bon que le notre », et d’ajouter sa phrase favorite « les brutes et les voyous respectent la force et ne respectent pas la faiblesse ». En Lybie, l’absence d’une Amérique forte a été reprochée à Obama, un blâme motivé par l’agacement de voir les Etats européens s’emparer de la question.
Par delà le discours du choc des principes, l’accent est mis sur la protection des ressortissants face aux foyers d’hostilité dans le monde, un intérêt plus réaliste et plus simple à l’oreille des américains. Ainsi Sarah Palin s’inquiétait récemment des développements en Afghanistan, prenant durement à partie le Président Karzaï suite à sa demande de cessation des raids aériens de l’OTAN : « l’ultimatum du Président Karzaï est dangereux et c’est une manière indirecte de dire que les forces américaines sont un occupant à abattre, ce qui est évidemment une situation inacceptable qui met nos troupes en péril ». Dans un même sens, les programmes des différents prétendants républicains s’engagent à l’unisson sur les moyens donnés à l’armée. Pour Mitt Romney il faudra « restaurer les capacités de défense » et « s’opposer aux tentatives de réduction du budget militaire ».
A l’échelle globale, l’islamisme sous toutes ses formes demeure l’ennemi désigné. La menace jihadiste d’abord, que Herman Cain énonce platement dans son plan pour la sécurité nationale : « ils ont un objectif, de tous nous tuer ». Sur les formes plus modérées d’islamisme, les Républicains prennent d’emblée position, là où Obama est jugé trop flou. A propos du vide politique en Egypte, Tim Pawlenty rappelle que le Président ne tranche pas sur l’acceptation des Frères Musulmans en tant que prochains dirigeants. Mais pour « T-Paw », les choses sont claires : les Etats-Unis ne peuvent pas transiger avec « une organisation antisémite, qui soutient le Hamas et des actes violents contre Israël ». En effet, le soutien des candidats républicains à Israël est simplement indéfectible. L’administration Obama est pointée du doigt pour ne pas avoir prêté main-forte à Tel-Aviv auprès de l’ONU, organisation « qui depuis longtemps inculpe Israël pour les problèmes du Moyen-Orient, tous confondus » à en croire un site de campagne.
La course pour l’investiture républicaine n’est pas pleinement lancée, et les candidats s’emparent plus des questions économiques intérieures que de la politique étrangère pour mettre à mal la gestion démocrate. A la lecture des plateformes internet, il semble que pour l’instant, seuls les piliers préétablis par les conservateurs (morale, sécurité, militarisme) figurent dans les programmes électoraux, mais que la jeune génération du GOP doit encore écrire sa prochaine approche, exercice difficile face à la rapidité et la volatilité des bouleversements dans le grand Moyen-Orient (Syrie, Yémen notamment). Les positionnements de George W. Bush et de John McCain correspondaient à une école de pensée géostratégique dont ils étaient l’incarnation. Aujourd’hui la donne est plus complexe pour les nouveaux politiciens, devant des scénarios qui échappent à la théorisation.