Visite à Rome de Benyamin Netanyahu : Silvio Berlusconi, l’ami d’Israël

Par Antoine Alhéritière – 25 juin 2011

A Rome lundi dernier, Silvio Berlusconi accueillait Benyamin Netanyahu pour un sommet interministériel italo-israélien dans le palais de Villa Madama. La rencontre se produit dans un contexte de rupture et de continuité.

Une double quête de légitimité

Continuité car ces retrouvailles ne font que confirmer le soutien constant que le Cavaliere s’efforce d’apporter à Tel-Aviv. Rupture, car les deux leaders ne se trouvent guère dans une même position. Le président du conseil italien est la victime de revers électoraux à répétition, d’abord aux municipales du 31 mai avec la perte de Milan et de Naples aux mains de l’opposition, puis le week-end dernier avec le triomphe populaire des quatre « OUI » au référendum. Silvio saisit donc cette réunion bilatérale comme une occasion de fuite en avant : la politique étrangère comme remède au fiasco interne.

Inversement, le premier ministre israélien s’est vu propulsé dans les sondages d’opinion  par sa dernière visite aux Etats-Unis fin mai, avec une côte bondissant de 38% à 51% d’opinions favorables suite à son intervention devant le plus grand des lobbys juifs d’Amérique, AIPAC. Néanmoins, l’Etat d’Israël doit faire face aux défis d’un voisinage en mutation et aux critiques croissantes de la communauté internationale, notamment  l’Organisation des Nations Unies qui condamnait mardi le blocus israélien comme facteur principal du taux de chômage en Palestine, qui s’élève à 45%. Ainsi, Netanyahu rejoignait Rome en quête d’un allié européen, alors même que la reconnaissance d’un Etat palestinien gagne du terrain et mûrit également dans les méandres du Quai d’Orsay.

Le Proche-Orient dans le clivage politique italien

Alors que l’alternance des majorités de droite et de gauche dans les Etats d’Europe de l’Ouest n’a jamais radicalement changé leur position dans le conflit du Proche-Orient, en Italie les deux camps sont diamétralement opposés sur la question. Pour la Démocratie Chrétienne, dès la fin des années soixante, le rempart au bloc soviétique se jouait dans l’équilibre en Méditerranée, et l’Italie jouait un rôle d’intermédiaire entre la politique pro-israélienne de Nixon et la défense des réfugiés palestiniens.

A partir des années 1990, les relations italo-israéliennes sont fortement liées à la balance électorale. Les cinq années du deuxième mandat de Berlusconi (2001-2006) sont synonymes de soutien à la colonisation juive, d’accords militaro-scientifiques et de pressions italiennes pour une intégration d’Israël dans l’OTAN. Lorsqu’en 2006, la coalition de gauche menée par Romano Prodi entre en fonctions, commentateurs et diplomates israéliens s’inquiètent de la « fin d’une lune de miel », qualifiant Massimo D’Alema, le nouveau ministre italien des affaires étrangères de « pro-palestinien connu ». Le professore avance une vision très différente, notamment lors de l’élection du Hamas aux législatives de 2006, force politique qu’il compte écouter. Sous Prodi l’Italie défend ainsi une gestion multilatérale du conflit, cherchant à faire peser l’ONU dans les négociations.

Israël et la liberté au Moyen-Orient

Netanyahu avait axé son discours en Amérique sur l’idée de liberté, valeur fondatrice commune aux Etats-Unis et à l’Etat d’Israël. Forcément ce thème a bien sonné dans l’oreille de Berlusconi, idéateur et grand commandant du Popolo delle Libertà. Ainsi les échanges ont-ils porté sur le triomphe de la liberté face à l’autoritarisme décadent du monde arabe, ainsi que sur la liberté dont se prévaut Israël d’intervenir militairement face à la menace nucléaire iranienne. Le discours vise à expliquer qu’Israël n’est pas la source des problèmes dans la région, et que les manifestations dans le monde arabe ne se soucient pas d’Israël, mais bien de leurs régimes sanguinaires.

Interrogé sur la Turquie, Netanyahu a salué le succès, par voie démocratique de Recep Tayyip Erdogan, passant sous silence les reproches croissants qu’adresse la Turquie à la politique israélienne. Sans doute le premier ministre israélien a-t-il vu en Berlusconi, un ami commun avec Erdogan, et ainsi la possibilité d’améliorer les relations turco-israéliennes par le biais des sourires de Silvio.

La déclaration conjointe du 13 juin 2011 représente un franc soutien, et dans la mesure où il s’agit d’un sommet interministériel, la collaboration est complète et multisectorielle. Concernant la politique étrangère, « le gouvernement italien réaffirme sa position ferme contre toute manifestation de délégitimation contre Israël ». En matière de sécurité nationale, les gouvernements s’accordent sur le renforcement de la coopération, spécialement dans la bataille contre le radicalisme, la terreur et l’abus du trafic maritime international. Chacun trouve son compte dans cette dernière expression, Berlusconi confronté à l’impopulaire crise des réfugiés sur les rives de Lampedusa, Netanyahu menacé par la perspective d’une deuxième affaire de flottille internationale, plus large la prochaine fois.

Le premier ministre israélien a trouvé dans cette rencontre le soutien qu’il cherchait et remercie le premier italien : « il n’y a pas de meilleur ami que toi ». En déclarant que la paix au Proche-Orient ne pouvait pas découler d’une solution unilatérale, Berlusconi a sous-entendu que l’Italie ne soutiendrait pas la demande de l’Autorité palestinienne de reconnaissance auprès de l’ONU. En signe de remerciement, Silvio sera invité à la Knesset à la rentrée. Ainsi, l’Italie de Berlusconi est le pays d’Europe sur lequel Israël peut le plus compter, pendant encore deux ans si le Cavaliere parvient à rester en place malgré l’indignation générale des italiens. Mais en 2013, Berlusconi affirme qu’il ne se présentera pas. Israël devra alors trouver son prochain allié de droite ou composer avec les nuances de la gauche.

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Filed under Foreign Policy & IR, Français

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