Par Aïcha Gaaya – 12 mai 2011
Le 14 Janvier 2011, la nouvelle était tombée comme un couperet, déclenchant une vague d’euphorie sans précédent: Ben Ali, après plus de 23 ans de règne sans partage, fuyait le pays d’Hannibal en quête d’une nouvelle terre d’asile. Le peuple tunisien avait arraché sa victoire, au prix de larmes et du sang encore chaud qui tachait encore le macadam des rues de Tunis. Les plus optimistes s’enthousiasmaient, pensant que la page de la violence et de la répression aveugle avait été tournée. Le pays alors à genoux, paraissait avoir recouvert une partie de sa dignité. Les images des martyrs de la révolution passaient en boucle sur la chaine de la télévision nationale, les portraits de Ben Ali était arrachés, brûlés, et les places du 7 Novembre renommées places Mohamed Bouazizi.
Samedi 7 Mai 2011. L’ampleur qu’ont pris les évènements ne peut que raviver le souvenir douloureux des combats opposant les civils aux forces de l’ordre, avant le départ précipité de l’ex président Zine Al Abidine Ben Ali.
Les fantômes du passé ont ressurgi, sur cette Avenue Bourguiba, siège et symbole de la victoire du peuple tunisien contre l’autoritarisme, les mêmes scènes refont leur apparition, soutenant la comparaison avec les précédentes. Les matraques des policiers virevoltent dans les airs, s’abattant sur des civils pacifiques. Le sang jonche de nouveau cette avenue, souillant des acquis de la révolution que nous pensions tous être définitivement établis. Des journalistes passés à tabac, une population apeurée qui se terre. Triste spectacle dont l’Avenue fut -et est encore- le théâtre.
« Mr Propre », de vraies fausses révélations ?
Derrière ce sobriquet cocasse se cache l’ex Ministre de l’Intérieur, M. Ferhat Rajhi, qui a su défrayer la chronique en révélant des nouvelles fracassantes quant à ce qui se trame dans les coulisses politiques. Il a ainsi dévoilé qu’un complot se prépare de la part « des hommes du Sahel », prêts à enclencher un coup d’état militaire au cas où le Parti islamiste Ennahdha viendrait à gagner les élections prochaines. Il fait ici allusion au clan de la région côtière du Sahel qui ont les rênes du pouvoir depuis Bourguiba jusqu’à Ben Ali, et qui ne veulent pas le voir leur échapper. En soulignant le fait que le gouvernement transitoire est corrompu, en citant ouvertement le nom des personnes impliquées, ce n’est pas qu’une « mini-crise » que M. Rajhi a provoqué, contrairement à ce que Le Monde écrit dans ses colonnes, mais un vrai tollé politique qui a indigné les tunisiens au plus au point. « Mr Propre » a démenti ces propos, filmés selon lui en caméra cachée et coupés au montage afin de provoquer ce scandale. Mais le mal est fait : les tunisiens se sentent manipulés, tiraillés entre deux versions, pris au piège entre le marteau et l’enclume.
De plus, en réprimant dans le sang les manifestations de mécontentement, le gouvernement n’a réussi qu’à se décrédibiliser aux yeux de l’opinion publique et replonger le pays dans le doute et le chaos. La remise en place d’un couvre-feu sur le Grand Tunis attise ce sentiment d’insécurité et d’incertitude quant à l’avenir du pays.
Le Peuple porte plainte contre X…
Les Tunisiens ont le sentiment d’être totalement dépassés par les évènements, ne sachant plus quelle est la source de menace principale à la stabilité de leur pays : les islamistes, l’armée, le gouvernement provisoire ou encore les anciens cadres du RCD ? L’euphorie de la révolution a fait place à la déroute, aux questions sans réponse, à la désillusion.
Le procès d’Imed Trabelsi a catalysé cette débâcle. Inculpé de consommation de drogue, cet homme honni de la population tunisienne été condamné à 2000 dinars (soit environ 1000 euros) d’amende et deux ans de prison. Le peuple qui attendait beaucoup de ce procès a vu ses espoirs de justice s’évaporer. Le roman judiciaire n’en est qu’à ses débuts et s’annonce lent et fastidieux pour les tunisiens qui veulent tourner la page des années sombres le plus rapidement possible.
Toutefois, ce qu’on ne lit pas dans les médias occidentaux, c’est qu’aujourd’hui, à Tunis, on a le sentiment que la Révolution n’est pas achevée, et d’aucuns incitent à la poursuivre contre cet « ennemi invisible », qui complote et qui s’est fondu dans la population. Il prend tour à tour les traits du policier, de l’islamiste, du ministre ou encore du voisin, et change de visage au gré des jours.
Théories du complot, attente du nouveau Sauveur de la Patrie, c’est un véritable Mythe de la révolution qui se met progressivement en place en Tunisie. L’ami de ce matin devient l’ennemi de ce soir, les théories les plus folles animent les conversations des tunisiens, entre deux verres de thé- au Jasmin évidemment.
Comme le disait si bien Serge Berstein : « Dans l’ordre de la culture politique, c’est la légende qui est réalité car c’est elle qui est mobilisatrice ».
« Silence ! On tue »
Voisine de la Libye, la Tunisie est en train de payer cher sa proximité géographique. La zone frontalière de Dehiba a ainsi été bombardée par l’armée loyaliste libyenne, exportant le conflit hors de leurs frontières. La Tunisie, déjà usée par la crise économique qui l’handicape, les scandales politiques et l’accueil des réfugiés, n’a certainement pas les moyens de riposter fermement à cette ingérence. Certains en viennent même à se demander si le gouvernement est conscient que Dehiba et Tataouine sont bien dans le territoire tunisien.
Silence général : guerre en huis clos en cours.
cette fois les tunisiens, les égyptiens et les libyens ont fait la révolution, ce qu’ils vont en faire ça c’est une autre histoire? Merci pour cet article, c’est amusant à lire